Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/321

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ments. Puis, c’était lâche d’espérer, elle craignait de céder à une ruse de sa faiblesse.

— Tu réfléchiras, finit-elle par conclure, en s’arrêtant devant lui. Je ne veux pas nous tourmenter davantage… Demain, je suis certaine que tu seras plus raisonnable.

Le lendemain pourtant se passa dans une grande gêne. Une tristesse sourde, une sorte d’aigreur assombrissait de nouveau la maison. Louise avait les yeux rouges, Lazare la fuyait et passait les heures enfermé dans sa chambre. Puis, les jours suivants, cette gêne se dissipa peu à peu, et les rires recommencèrent, les chuchotements, les frôlements tendres. Pauline attendait, secouée d’espérances folles, malgré sa raison. Avant cette incertitude affreuse, il lui semblait ne pas avoir connu la souffrance. Un soir enfin, au crépuscule, comme elle descendait à la cuisine prendre une bougie, elle trouva Lazare et Louise qui s’embrassaient dans le corridor. La jeune fille s’enfuit en riant, et lui, encouragé par l’ombre, saisit Pauline à son tour, lui planta sur les joues deux gros baisers de frère.

— J’ai réfléchi, murmura-t-il. Tu es la meilleure et la plus sage… Mais je t’aime toujours, je t’aime comme j’ai aimé maman.

Elle eut la force de répondre :

— C’est une affaire arrangée, je suis bien contente.

De crainte de s’évanouir, elle n’osa entrer dans la cuisine, tellement elle se sentait pâle, au froid de son visage. Sans lumière, elle remonta chez elle, en disant qu’elle avait oublié quelque chose. Et là, dans les ténèbres, elle crut qu’elle expirait, étouffant, ne trouvant pas même des larmes. Que lui avait-