Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/334

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tions entêtées de la mer. En juillet, il fallut réparer le mur de la terrasse et tout un pignon de la maison. Quand les maçons eurent donné un premier coup de pioche, le reste menaça de crouler. Ils restèrent le mois entier, les mémoires montèrent à près de dix mille francs.

C’était toujours Pauline qui payait. Un nouveau trou se creusa dans sa commode, sa fortune se trouva réduite à une quarantaine de mille francs. D’ailleurs, elle faisait aller largement la maison avec leurs trois cents francs de rente par mois ; mais elle avait dû vendre encore de ses titres, afin de ne pas déplacer l’argent de son oncle. Comme autrefois sa femme, il lui disait que l’on compterait un jour. Elle aurait tout donné, son avarice s’était usée dans ce lent émiettement de son héritage ; et elle ne se débattait plus que pour sauver les sous de ses aumônes. La crainte d’avoir à interrompre ses distributions du samedi la désolait, car elle y goûtait sa meilleure joie de la semaine. Depuis le dernier hiver, elle s’était mise à tricoter des bas, tous les galopins du pays avaient maintenant les pieds chauds.

Un matin, vers la fin de juillet, comme Véronique balayait les plâtras laissés par les maçons, Pauline reçut une lettre qui la bouleversa. Cette lettre était datée de Caen et ne contenait que quelques mots. Lazare, sans aucune explication, l’avertissait qu’il arriverait le lendemain soir à Bonneville. Elle courut annoncer la nouvelle à son oncle. Tous deux se regardèrent. Chanteau avait dans les yeux la terreur qu’elle ne le quittât, si le ménage venait s’installer pour longtemps. Il n’osa la questionner, il lisait sur son visage la ferme résolution où elle était de partir. L’après-midi, elle monta même visiter son