Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/338

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avait prévenus de Caen seulement. D’un geste vague, il écartait les interrogations trop directes, comme pour renvoyer les réponses à plus tard. Lorsque le thé fut servi, il laissa simplement échapper un gros soupir de satisfaction. Que l’on était bien là, et quelle besogne on aurait abattue, dans ce grand calme ! Il dit un mot d’un drame en vers, auquel il travaillait depuis six mois. Sa cousine resta stupéfaite, lorsqu’il ajouta qu’il comptait le terminer à Bonneville. Une douzaine de jours devaient suffire.

À dix heures, Véronique vint dire que la chambre de monsieur Lazare était prête. Mais, au premier, lorsqu’elle voulut l’installer dans l’ancienne chambre d’amis qu’on avait arrangée pour le ménage, il se fâcha.

— Si tu crois que je vais coucher là-dedans !… Je couche là-haut, dans mon petit lit de fer.

La bonne grognait. Pourquoi ce caprice ? puisque le lit était fait, il n’allait peut-être pas lui donner la peine d’en faire un autre ?

— C’est bon, reprit-il, je dormirai dans un fauteuil.

Et, pendant que Véronique arrachait furieusement les draps et les montait au second, Pauline éprouvait une joie inconsciente, une gaieté brusque, qui la jetait au cou de son cousin pour lui souhaiter le bonsoir, dans un élan de leur vieille camaraderie d’enfance. Il habitait donc une fois encore sa grande chambre, si près d’elle, qu’elle l’entendit marcher longtemps, comme enfiévré par les souvenirs qui la tenaient elle-même éveillée.

Ce fut le lendemain seulement que Lazare commença à prendre Pauline pour confidente ; et il ne se confessa pas d’un trait, elle sut d’abord les choses