Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/355

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Louise, qui s’ennuyait beaucoup, mais que sa belle-sœur voulait retenir davantage. Dans ses réponses, il l’engageait à rester, il lui envoyait les conseils du docteur Cazenove, qu’il consultait en effet. Le train paisible et régulier de la maison le reprenait peu à peu, les heures anciennes des repas, du lever et du coucher qu’il avait changées à Paris, les mauvaises humeurs grondeuses de Véronique, les douleurs incessantes de son père, qui restait immuable, la face contractée par la même souffrance, lorsque tout, dans la vie d’alentour, se précipitait et changeait. Il retrouvait encore les dîners du samedi, les vieilles figures connues du médecin et de l’abbé, avec les éternelles conversations roulant sur les derniers gros temps ou sur les baigneurs d’Arromanches. La Minouche, au dessert, sautait toujours sur la table avec une légèreté de plume, venait lui donner un grand coup de tête dans le menton, pour se caresser ; et le léger égratignement de ses dents froides le reportait à bien des années en arrière. Il n’y avait de nouveau, dans ces choses d’autrefois, que Loulou, triste et affreux, couché en boule sous une table, grognant dès qu’on l’approchait. Vainement, Lazare lui donnait du sucre : la bête, après l’avoir croqué, montrait les dents, avec un redoublement de maussaderie. On avait dû l’abandonner, il vivait seul, en étranger dans la maison, ainsi qu’un être insociable qui demande seulement aux hommes et aux dieux de le laisser s’ennuyer en paix.

Parfois pourtant, lorsque Pauline et Lazare faisaient une de leurs longues promenades, il leur arrivait des aventures. C’est ainsi qu’un jour, comme ils avaient quitté le sentier de la falaise, pour ne point passer devant l’usine de la baie du Trésor, ils