Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/359

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vers la maison. Pauline le suivait des yeux, sans chercher davantage à l’arrêter, clouée de peur et d’étonnement, tant il semblait accomplir une chose naturelle. Une pluie de flammèches tombait, il dut se coller contre le bois de la porte pour l’ouvrir, car des poignées de paille enflammées roulaient du toit, ainsi qu’un ruissellement d’eau par un orage ; et, là, il trouva un obstacle, la clef rouillée refusait de tourner dans la serrure. Mais il ne jura même pas, il prit son temps, parvint à ouvrir, resta un moment encore sur le seuil, afin de laisser s’échapper le premier flot de fumée, qui lui battait le visage. Jamais il ne s’était connu un pareil sang-froid, il agissait comme dans un rêve, avec une certitude de mouvements, une adresse et une prudence que le danger faisait naître. Il baissa la tête, il disparut.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! bégaya Pauline, qui étranglait d’angoisse.

D’un geste involontaire, elle avait joint les mains, et elle les serrait à se les briser, elle les élevait d’un balancement continu, comme font les malades dans les grandes douleurs. Le toit craquait, s’effondrait déjà par place, jamais son cousin n’aurait le temps de ressortir. Elle avait une sensation d’éternité, il lui semblait qu’il était là-dedans depuis des temps infinis. À terre, la femme ne soufflait plus, l’air hébété d’avoir vu un monsieur entrer dans le feu.

Mais un grand cri s’éleva. C’était Pauline qui l’avait jeté, du fond de ses entrailles, sans le vouloir, au moment où le chaume croulait entre les murs fumants.

— Lazare !

Il était sur la porte, les cheveux à peine roussis,