Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avaient eue par héritage. Elle, venait à peine de s’absenter, pour aller prendre un panier de carottes ; et elle était partie en laissant l’enfant endormi et en fermant tout, ce qu’elle ne faisait jamais. Sans doute le feu couvait depuis longtemps, car c’était une stupeur, elle jurait d’avoir éteint jusqu’au dernier morceau de braise. Maintenant, le toit de chaume n’était plus qu’un brasier, les flammes montaient et remuaient d’un frisson rouge la grande clarté jaune du soleil.

— Vous avez donc fermé à clef ? cria Lazare.

La femme ne l’entendait pas. Elle était folle, elle avait fait le tour de la maison, sans cause, peut-être pour chercher quelque chose d’ouvert, un trou qu’elle savait bien ne pas exister. Puis, elle était encore tombée, ses jambes ne la portaient plus, sa vieille face grise, à présent découverte, agonisait de désespoir et d’épouvante, tandis qu’elle hurlait toujours :

— L’enfant !… l’enfant !

De grosses larmes montaient aux yeux de Pauline. Mais Lazare surtout s’énervait de ce cri, qui le secouait chaque fois d’un malaise. Cela devenait intolérable, il dit tout d’un coup :

— Je vais aller le lui chercher, son enfant.

Sa cousine le regarda, éperdue. Elle tâcha de lui saisir les mains, elle le retenait.

— Toi ! je ne veux pas… Le toit va crouler.

— Nous verrons bien, dit-il simplement.

Et il criait à son tour dans le visage de la femme :

— Votre clef ? vous avez bien votre clef ?

La femme demeurait béante. Lazare la bouscula et lui arracha enfin la clef. Puis, pendant qu’elle restait à hurler par terre, il marcha d’un pas tranquille