Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/364

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frisson pâlit son visage. Cette pensée d’amour descendait à son cœur, l’emplissait d’une langueur délicieuse. Il lui avait pris la main, sans calcul, par un besoin de s’approcher davantage, de tenir quelque chose d’elle ; et il jouait avec cette main tiède, dont il pliait les doigts minces, en riant toujours d’un rire qui s’embarrassait. Elle ne s’inquiétait point, il y avait là simplement un jeu de leur jeunesse ; puis, ses forces s’en allaient, elle lui appartenait déjà, dans son trouble grandissant. Sa voix elle-même défaillait.

— Mais, pour manger, toujours des fruits, c’est maigre. Il aurait fallu chasser, pêcher, cultiver un champ… Si ce sont les femmes qui travaillent là-bas, comme on le raconte, tu m’aurais donc mise à bêcher la terre ?

— Toi ! avec ces petites menottes ! Et les singes, est-ce qu’on n’en fait pas aujourd’hui d’excellents domestiques ?

Elle eut un rire mourant à cette plaisanterie, tandis qu’il ajoutait :

— D’ailleurs, elles n’existeraient plus, tes menottes… Oui, je les aurais dévorées, tiens ! comme ça.

Il lui baisait les mains, il finissait par les mordiller, le sang à la face, dans un coup de désir qui l’aveuglait. Et ils ne parlèrent plus, ce fut une folie commune, un vertige où ils tombèrent ensemble, la tête perdue, pris du même étourdissement. Elle s’abandonnait, glissée au fond du fauteuil, la face rouge et gonflée, les yeux fermés, comme pour ne plus voir. D’une main brutale, il avait déjà déboutonné son corsage, il cassait les agrafes des jupons, lorsque ses lèvres rencontrèrent les siennes. Il lui donna un