Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/368

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draps calma un peu la brûlure des baisers qui lui marbraient les épaules ; et elle resta longtemps sans remuer, comme écrasée sous le poids du dégoût et du chagrin.

Une insomnie tint Pauline éveillée jusqu’au jour. Cette abomination l’obsédait. Toute cette soirée était un crime qui lui faisait horreur. Maintenant, elle ne pouvait plus s’excuser elle-même, il fallait bien qu’elle avouât la duplicité de ses tendresses. Son affection maternelle pour Lazare, ses accusations sourdes contre Louise, étaient simplement les réveils hypocrites de sa passion ancienne. Elle avait glissé à ces mensonges, elle descendait plus avant dans les sentiments inavoués de son cœur, où elle découvrait une joie de la désunion du ménage, une espérance d’en profiter peut-être. N’était-ce pas elle qui venait de faire recommencer à son cousin les jours d’autrefois ? N’aurait-elle pas dû prévoir que la chute se trouverait au bout ? À cette heure, la situation terrible se dressait, barrant leur vie à tous : elle l’avait donné à une autre, et elle l’adorait, et il la voulait. Cela tournait dans son crâne, battait ses tempes comme une volée de cloches. D’abord, elle résolut de s’enfuir le lendemain. Puis, elle trouva cette fuite lâche. Puisqu’il partait lui-même, pourquoi ne pas attendre ? Et, d’ailleurs, un orgueil lui revenait, elle entendait se vaincre, pour ne pas emporter la honte d’avoir mal fait. Désormais, elle sentait qu’elle ne vivrait plus la tête haute, si elle gardait le remords de cette soirée.

Le lendemain, Pauline descendit à son heure habituelle. Seule, la meurtrissure de ses paupières aurait pu révéler les tourments de la nuit. Elle était pâle et très calme. Lorsque Lazare parut à son tour, il expliqua simplement son air de lassitude, en