Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/377

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pendant que la famille dînait, elle défendit même qu’on montât la voir, de peur d’être réveillée en sursaut.

Il y avait, ce soir-là, le pot-au-feu et un morceau de veau rôti. Le commencement du repas fut silencieux, cette crise de Louise s’ajoutait à la tristesse du départ de Pauline. On évitait le bruit des cuillers et des fourchettes, comme s’il avait pu parvenir au premier étage et exaspérer encore la malade. Chanteau pourtant se lançait, racontait des histoires de grossesses extraordinaires, lorsque Véronique, qui apportait le veau découpé, dit brusquement :

— Je ne sais pas, il me semble qu’elle geint, là-haut.

Lazare se leva pour ouvrir la porte du corridor. Tous, cessant de manger, prêtaient l’oreille. On n’entendit rien d’abord ; puis, des plaintes longues, étouffées, arrivèrent.

— La voilà reprise, murmura Pauline. Je monte.

Elle jeta sa serviette, elle ne toucha même pas à la tranche de veau que la bonne lui servait. La clef heureusement se trouvait à la serrure, elle put entrer. Assise au bord de son lit, la jeune femme, les pieds nus, enveloppée dans un peignoir, se balançait d’un mouvement d’horloge, sous la fixité intolérable d’une souffrance qui lui arrachait de grands soupirs réguliers.

— Ça va plus mal ? demanda Pauline.

Elle ne répondit pas.

— Veux-tu, maintenant, qu’on aille chercher madame Bouland ?

Alors, elle bégaya, d’un air de résignation obsédée :

— Oui, ça m’est égal. J’aurai peut-être la paix ensuite… Je ne peux plus, je ne peux plus…