Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/381

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sence prolongée de Lazare. Sans doute il n’avait pas trouvé madame Bouland ; mais qu’allait-elle devenir, ignorante de ce qu’il fallait faire, avec cette pauvre femme dont la situation semblait empirer ? Ses anciennes lectures lui revenaient bien, elle aurait volontiers examiné Louise, dans l’espoir de se rassurer et de la rassurer elle-même. Seulement, elle la sentait si honteuse, qu’elle hésitait à le lui proposer.

— Écoute, ma chère, dit-elle enfin, si tu me laissais voir ?

— Toi ! oh ! non, oh ! non… Tu n’es pas mariée.

Pauline ne put s’empêcher de rire.

— Ça ne fait rien, va !… Je serais si heureuse de te soulager.

— Non ! je mourrais de honte, je n’oserais jamais plus te regarder en face.

Onze heures sonnèrent, l’attente devenait intolérable. Véronique partit pour Verchemont, emportant une lanterne, avec l’ordre de visiter tous les fossés. Deux fois, Louise avait tâché de se mettre au lit, les jambes brisées de fatigue ; mais elle s’était relevée aussitôt, et elle se tenait debout maintenant, les bras accoudés à la commode, s’agitant sur place, dans un perpétuel mouvement des reins. Les douleurs, qui se produisaient par crises, se rapprochaient, se confondaient en une douleur unique, dont la violence lui coupait la respiration. À toute minute, ses mains tâtonnantes quittaient un instant la commode, glissaient le long de ses flancs, allaient empoigner et soutenir ses fesses, comme pour alléger le poids qui les écrasait. Et Pauline, debout derrière elle, ne pouvait rien, devait la regarder souffrir, détournant la tête, feignant de s’occuper, lorsqu’elle la voyait ramener son peignoir d’un geste