Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/394

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l’on avait besoin d’aide. Ils se retirèrent en silence. En bas, dans la salle à manger, Chanteau venait de s’endormir, devant la table toujours servie. Le sommeil devait l’avoir pris au milieu de son petit souper, prolongé avec la lenteur d’une distraction, car la fourchette était encore au bord de l’assiette, où se trouvait un reste de veau. Pauline, en entrant, dut remonter la lampe, qui charbonnait et s’éteignait.

— Ne l’éveillons pas, murmura-t-elle. Il est inutile qu’il sache.

Doucement, elle s’assit sur une chaise, tandis que Lazare demeurait debout, immobile. Une attente effroyable commença, ni l’un ni l’autre ne disait un mot, ils ne pouvaient même soutenir l’angoisse de leurs regards, détournant la tête, dès que leurs yeux se rencontraient. Et aucun bruit n’arrivait d’en haut, les plaintes affaiblies ne s’entendaient plus, ils prêtaient vainement l’oreille, sans saisir autre chose que le bourdonnement de leur propre fièvre. C’était ce grand silence frissonnant, ce silence de mort, qui, à la longue, les épouvantait surtout. Que se passait-il donc ? pourquoi les avait-on renvoyés ? Ils auraient préféré les cris, une lutte, quelque chose de vivant se débattant encore sur leurs têtes. Les minutes s’écoulaient, et la maison s’enfonçait davantage dans ce néant. Enfin, la porte s’ouvrit, le docteur Cazenove entra.

— Eh bien ? demanda Lazare, qui avait fini par s’asseoir en face de Pauline.

Le docteur ne répondit pas tout de suite. La clarté fumeuse de la lampe, cette clarté louche des longues veilles, éclairait mal son vieux visage tanné où les fortes émotions ne pâlissaient que les rides. Mais,