Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/393

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— C’est le petit bras qui passe, continua madame Bouland tout bas. Il est entièrement dégagé… Mais l’épaule est là, qui ne sortira jamais.

Pourtant, à trois heures et demie, devant la situation de plus en plus critique, elle allait peut-être se décider à agir, lorsque Véronique, qui remontait de la cuisine, appela Mademoiselle dans le corridor, où elle lui dit que le médecin arrivait. On la laissa un instant seule près de l’accouchée, la jeune fille et la sage-femme descendirent. Au milieu de la cour, Lazare bégayait des injures contre le cheval ; mais, quand il sut que sa femme vivait encore, la réaction fut si forte, qu’il se calma tout d’un coup. Déjà le docteur Cazenove montait le perron, en posant à madame Bouland des questions rapides.

— Votre présence brusque l’effrayerait, dit Pauline dans l’escalier. Maintenant que vous êtes là, il est nécessaire qu’on la prévienne.

— Faites vite, répondit-il simplement, d’une voix brève.

Pauline seule entra, les autres se tinrent à la porte.

— Ma chérie, expliqua-t-elle, imagine-toi que le docteur, après t’avoir vue hier, s’est douté de quelque chose ; et il vient d’arriver… Tu devrais consentir à le voir, puisque ça n’en finit point.

Louise ne paraissait pas entendre. Elle roulait désespérément la tête sur l’oreiller. Enfin, elle balbutia :

— Comme vous voudrez, mon Dieu !… Est-ce que je sais, maintenant ? Je n’existe plus.

Le docteur s’était avancé. Alors, la sage-femme engagea Pauline et Lazare à descendre : elle irait leur donner des nouvelles, elle les appellerait, si