Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/401

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Incapable de regarder davantage, le mari alla tomber sur une chaise, à l’autre bout de la pièce. Mais il avait beau ne plus regarder, il apercevait toujours la pauvre main du petit être, cette main qui voulait vivre, qui semblait chercher à tâtons un secours dans ce monde, où elle arrivait la première.

Alors, le docteur s’agenouilla. Il avait enduit de saindoux sa main gauche, qu’il se mit à introduire lentement, pendant qu’il posait la droite sur le ventre. Il fallut refouler le petit bras, le rentrer tout à fait, pour que les doigts de l’opérateur pussent passer ; et ce fut la partie dangereuse de la manœuvre. Les doigts, allongés en forme de coin, pénétrèrent ensuite peu à peu, avec un léger mouvement tournant, qui facilita l’introduction de la main jusqu’au poignet. Elle s’enfonça encore, avança toujours, alla chercher les genoux, puis les pieds de l’enfant ; tandis que l’autre main appuyait davantage sur le bas-ventre, en aidant la besogne intérieure. Mais on ne voyait rien de cette besogne, il n’y avait plus que ce bras disparu dans ce corps.

— Madame est très docile, fit remarquer madame Bouland. Des fois, il faut des hommes pour les tenir.

Pauline serrait maternellement contre elle la cuisse misérable, qu’elle sentait grelotter d’angoisse.

— Ma chérie, aie du courage, murmura-t-elle à son tour.

Un silence régna. Louise n’aurait pu dire ce qu’on lui faisait, elle éprouvait seulement une anxiété croissante, une sensation d’arrachement. Et Pauline ne reconnaissait plus la mince fille aux traits fins, au charme tendre, dans la créature tordue en travers du lit, le visage décomposé de souffrance. Des glaires,