Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

craquer le ventre des mères, élargissant jusqu’à l’horreur la fente rouge, pareille au coup de hache qui ouvre le tronc et laisse couler la vie des grands arbres.

Le médecin causait toujours à demi-voix, en ôtant sa redingote et en retroussant la manche gauche de sa chemise, au-dessus du coude.

— On a trop attendu, l’introduction de la main sera difficile. Vous voyez, l’épaule s’est déjà engagée dans le col.

Au milieu des muscles engorgés et tendus, entre les bourrelets rosâtres, l’enfant apparaissait. Mais il était arrêté là, par l’étranglement de l’organe, qu’il ne pouvait franchir. Cependant, les efforts du ventre et des reins tâchaient encore de le chasser ; même évanouie, la mère poussait violemment, s’épuisait à ce labeur, dans le besoin mécanique de la délivrance ; et les ondes douloureuses continuaient à descendre, accompagnées chacune du cri de son obstination, luttant contre l’impossible. Hors de la vulve, la main de l’enfant pendait. C’était une petite main noire, dont les doigts s’ouvraient et se fermaient par moments, comme si elle se fût cramponnée à la vie.

— Repliez un peu la cuisse, dit madame Bouland à Pauline. Il est inutile de la fatiguer.

Le docteur Cazenove s’était placé entre les deux genoux, maintenus par les deux femmes. Il se retourna, étonné des lueurs dansantes qui l’éclairaient. Derrière lui, Lazare tremblait si fort, que la bougie s’agitait à son poing, comme effarée au souffle d’un grand vent.

— Mon cher garçon, dit-il, posez le bougeoir sur la table de nuit. J’y verrai plus clair.