Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/404

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— Attention ! cria-t-il. Empêchez-la donc de bouger !… Si le cordon n’a pas été comprimé, nous aurons de la chance.

Il avait rattrapé le petit corps, il se hâtait de dégager les épaules, il amenait les bras l’un après l’autre, pour que le volume de la tête n’en fût pas augmenté. Mais les soubresauts convulsifs de l’accouchée le gênaient, il s’arrêtait chaque fois, par crainte d’une fracture. Les deux femmes avaient beau la maintenir de toutes leurs forces sur le lit de misère : elle les secouait, elle se soulevait, dans un raidissement irrésistible de la nuque. En se débattant, elle venait de saisir le bois du lit, qu’on ne pouvait lui faire lâcher ; et elle s’y appuyait, elle détendait violemment les jambes, avec l’idée fixe de se débarrasser de ces gens qui la torturaient. C’étaient une crise de rage véritable, des cris horribles, dans cette sensation qu’on l’assassinait, en l’écartelant des reins jusqu’au ventre.

— Il n’y a plus que la tête, dit le docteur dont la voix tremblait. Je n’ose y toucher, au milieu de ces bonds continuels… Puisque les douleurs sont revenues, elle va se délivrer sans doute elle-même. Attendons un peu.

Il dut s’asseoir. Madame Bouland, sans lâcher la mère, veillait sur l’enfant, qui reposait au milieu des cuisses sanglantes, encore retenu au cou et comme étranglé. Ses petits membres s’agitaient faiblement, puis les mouvements cessèrent. On fut repris de crainte, le médecin eut l’idée d’exciter les contractions, pour précipiter les choses. Il se leva, exerça des pressions brusques sur le ventre de l’accouchée. Et il y eut quelques minutes effroyables, la malheureuse hurlait plus fort, à mesure que