Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/405

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la tête sortait et repoussait les chairs, qui s’arrondissaient en un large anneau blanchâtre. Au-dessous, entre les deux cavités distendues et béantes, la peau délicate bombait affreusement, si amincie, qu’on redoutait une rupture. Des excréments jaillirent, l’enfant tomba dans un dernier effort, sous une pluie de sang et d’eaux sales.

— Enfin, dit Cazenove. Celui-là pourra se vanter de n’être pas venu au monde gaiement.

L’émotion était si grande, que personne ne s’était inquiété du sexe.

— C’est un garçon, monsieur, annonça madame Bouland au mari.

Lazare, la tête tournée contre le mur, éclata en sanglots. Il y avait en lui un immense désespoir, l’idée qu’il aurait mieux valu mourir tous, que de vivre encore, après de telles souffrances. Cet être qui naissait, le rendait triste jusqu’à la mort.

Pauline s’était penchée vers Louise, pour lui poser un nouveau baiser sur le front.

— Viens l’embrasser, dit-elle à son cousin.

Il approcha, se pencha à son tour. Mais il fut repris d’un frisson, au contact de ce visage couvert d’une sueur froide. Sa femme était sans un souffle, les yeux fermés. Et il se remit à étouffer des sanglots, au pied du lit, la tête appuyée contre le mur.

— Je le crois mort, murmurait le docteur. Liez vite le cordon.

L’enfant, à sa naissance, n’avait pas eu ces miaulements aigres, accompagnés du gargouillement sourd qui annonce l’entrée de l’air dans les poumons. Il était d’un bleu noir, livide sur places, petit pour ses huit mois, avec une tête d’une grosseur exagérée.