Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/421

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me souviens de lui avoir dit que j’en avais vu de plus beaux pour trente sous, à Verchemont. Tout de suite sa figure s’est retournée, elle m’a jeté un de ses mauvais regards… Eh bien ! je parie qu’elle est allée à Verchemont voir si je n’avais pas menti.

Elle riait, et il y avait de la tristesse dans son rire, car elle souffrait des violences dont Véronique était reprise contre elle, sans cause raisonnable. Le travail en retour qui se faisait chez cette fille depuis la mort de madame Chanteau, l’avait peu à peu ramenée à sa haine d’autrefois.

— Voilà plus d’une semaine qu’on ne peut en tirer un mot, dit Louise. Toutes les bêtises sont possibles, avec un pareil caractère.

Pauline eut un geste de tolérance.

— Bah ! laissons-la satisfaire ses lubies. Elle reviendra toujours, et nous ne mourrons pas encore de faim cette fois.

Mais l’enfant, sur la couverture, remuait. Elle courut se pencher.

— Quoi donc ? mon chéri.

La mère, toujours à la fenêtre, regarda un instant, puis disparut dans la chambre. Chanteau, absorbé, tourna seulement la tête, lorsque Loulou se mit à grogner ; et ce fut lui qui prévint sa nièce.

— Pauline, voici ton monde.

Deux galopins déguenillés arrivaient, les premiers de la bande dont elle recevait la visite chaque samedi. Comme le petit Paul s’était rendormi aussitôt, elle se releva en disant :

— Ah ! ils tombent bien ! Je n’ai pas une minute… Restez tout de même, asseyez-vous sur le banc. Et toi, mon oncle, s’il en arrive d’autres, tu les feras asseoir à côté de ceux-ci… Il faut absolu-