Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/428

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seize ans, était si frêle, si peu formée, qu’elle semblait une sœur aînée promenant sa sœur cadette. Elle avait peine à la porter, mais elle la traînait ainsi, sachant que mademoiselle adorait les enfants et qu’elle ne leur refusait rien.

— Mon Dieu ! qu’elle est grosse ! s’écria Pauline en prenant la fillette dans ses bras. Et dire qu’elle n’a pas six mois de plus que notre Paul !

Malgré elle, son regard se reportait avec tristesse sur le petit, qui dormait toujours, au milieu de la couverture. Cette fille-mère, accouchée si jeune, était bien heureuse d’avoir une enfant de cette grosseur. Pourtant, elle se plaignait.

— Si vous saviez ce qu’elle mange, mademoiselle ! Et je n’ai pas de linge, je ne sais comment l’habiller… Avec ça, depuis que papa est mort, maman et son homme tombent sur moi. Ils me traitent comme la dernière des dernières, ils me disent que, quand on fait la vie, ça doit rapporter au lieu de coûter.

On avait, en effet, trouvé un matin le vieil infirme mort dans son coffre à charbon ; et il était si noir de coups, qu’un instant la police avait failli s’en mêler. Maintenant, la femme et son amant parlaient d’étrangler cette morveuse inutile, qui prenait sa part de la soupe.

— Pauvre mignonne ! murmura Pauline. J’ai mis des affaires de côté, et je suis en train de lui tricoter des bas… Tu devrais me l’amener plus souvent, il y a toujours du lait ici, elle mangerait des petites soupes de gruau… Je passerai voir ta mère, je lui ferai peur, puisqu’elle te menace encore.

La petite Gonin avait repris sa fille, tandis que mademoiselle préparait aussi pour elle un paquet. Elle s’était assise, elle la tenait sur les genoux, avec une