Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

maladresse de gamine jouant à la poupée. Ses yeux clairs gardaient une continuelle surprise de l’avoir faite, et bien qu’elle l’eût nourrie, elle manquait souvent de la laisser tomber, quand elle la berçait sur sa poitrine plate. Mademoiselle l’avait sévèrement grondée, un jour que, pour se battre à coups de pierres avec la petite Prouane, elle venait de poser son enfant au bord de la route, dans un tas de cailloux.

Mais l’abbé Horteur parut sur la terrasse.

— Voilà monsieur Lazare et le docteur, annonça-t-il.

On entendit au même instant le bruit du cabriolet ; et, pendant que Martin, l’ancien matelot à la jambe de bois, mettait le cheval à l’écurie, Cazenove descendit de la cour, en criant :

— Je vous ramène un gaillard qui a découché, paraît-il. Vous n’allez pas lui couper la tête ?

Lazare arrivait à son tour, avec un pâle sourire. Il vieillissait vite, les épaules courbées, le visage terreux, comme dévoré par l’angoisse intérieure qui le détruisait. Sans doute il allait dire la cause de son retard, lorsque la fenêtre du premier étage, restée entrouverte, fut refermée rageusement.

— Louise n’est pas prête, expliqua Pauline. Elle descendra dans une minute.

Tous se regardèrent, il y eut une gêne, ce bruit irrité annonçait une querelle. Après avoir fait un pas vers l’escalier, Lazare préféra attendre. Il embrassa son père et le petit Paul ; puis, pour dissimuler son inquiétude, il s’en prit à sa cousine, il murmura d’une voix maussade :

— Débarrasse-nous vite de cette vermine. Tu sais que je n’aime pas la rencontrer sous mes pieds.