Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/432

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nêtre de la salle à manger, venait de lever la tête, lorsque le docteur avait prononcé son nom. Elle resta un instant une patte en l’air, le ventre comme déboutonné au soleil ; puis, elle se remit à se lécher le poil avec délicatesse.

— Oh ! elle n’est pas sourde ! reprit la jeune fille. Je crois qu’elle perd un peu la vue, ce qui ne l’empêche pas de se conduire comme une coquine… Imaginez-vous qu’on lui a jeté sept petits, il y a une semaine à peine. Elle en fait, elle en fait tellement, qu’on en reste consterné. Si, depuis seize ans, on les avait tous laissés vivre, ils auraient mangé le pays… Eh bien ! elle a encore disparu mardi, et vous la voyez qui se nettoie, elle n’est rentrée que ce matin, après trois nuits et trois jours d’abominations.

Gaiement, sans embarras ni rougeur, elle parlait des amours de la chatte. Une bête si propre, délicate au point de ne pas sortir par un temps humide, et qui se vautrait quatre fois l’an dans la boue de tous les ruisseaux ! La veille, elle l’avait aperçue sur un mur avec un grand matou, balayant tous deux l’air de leurs queues hérissées ; et, après un échange de gifles, ils étaient tombés au milieu d’une flaque, en poussant des miaulements atroces. Aussi la chatte, cette fois, était-elle rentrée de sa bordée avec une oreille fendue et le poil du dos noir de fange. Du reste, il n’y avait toujours pas de plus mauvaise mère. À chaque portée qu’on lui jetait, elle se léchait comme dans sa jeunesse, sans paraître se douter de sa fécondité inépuisable, et retournait aussitôt en prendre une ventrée nouvelle.

— Au moins, elle a pour elle la propreté, conclut l’abbé Horteur, qui regardait la Minouche s’user la