Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/437

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le soir. Un frisson remontait en elle, le frisson de sa jalousie d’autrefois.

— Est-il possible de vous déchirer ainsi ! murmura-t-elle, après un silence. Vous ne voulez donc pas être raisonnables ?

— Eh ! non, cria Louise, c’est que j’en ai assez, à la fin ! Penses-tu qu’il va reconnaître ses torts ? Ah ! oui ! Je me suis contentée de lui dire combien il nous a inquiétés, en ne rentrant pas hier, et le voilà qui tombe sur moi comme un sauvage, qui m’accuse d’avoir gâté sa vie, au point qu’il menace de s’exiler en Amérique !

Lazare l’interrompit d’une voix terrible.

— Tu mens !… Si tu m’avais reproché mon retard avec cette douceur, je t’aurais embrassée, et tout serait déjà fini. Mais c’est toi qui m’as accusé de te faire une existence de larmes. Oui, tu m’as menacé d’aller te noyer dans la mer, si je continuais à te rendre l’existence impossible.

Et ils repartirent tous les deux, ils soulagèrent sans ménagement leur rancune, amassée pendant les heurts continuels de leurs caractères. C’était, sur les moindres faits, une taquinerie première qui, peu à peu, les jetait à un état aigu d’antipathie, dont la journée restait ensuite désolée. Elle, avec son visage doux, finissait par devenir méchante, depuis qu’il touchait à ses plaisirs, d’une méchanceté de chatte câline, se caressant aux autres et allongeant les griffes. Lui, malgré son indifférence, trouvait dans les querelles une secousse à l’engourdissement de son ennui, s’y entêtait souvent par cette distraction de se donner la fièvre.

Pauline, cependant, les écoutait. Elle souffrait plus qu’eux, cette façon de s’aimer ne pouvait lui