Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/443

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Chanteau, le visage tiré par des élancements douloureux, tournait la tête, pour regarder la scène. Malgré son accablement, Lazare voulut bien se prêter au jeu.

— Viens, dit-il à l’enfant.

— Oh ! il faut que tu lui tendes les bras, expliqua la jeune fille. Il ne se hasarde pas comme ça, il veut savoir où tomber… Allons, mon trésor, un peu de courage.

Il y avait trois pas à faire. Ce furent des exclamations attendries, un enthousiasme débordant, lorsque Paul se décida à franchir le court espace, avec des balancements d’équilibriste incertain de ses pieds. Il était venu choir entre les mains de son père, qui le baisa sur les cheveux, rares encore ; et il riait de ce rire vague et ravi des tout petits enfants, en ouvrant très grande une bouche humide et claire comme une rose. Sa marraine voulut même alors le faire parler ; mais sa langue était plus en retard que ses jambes, il poussait des cris gutturaux, où les parents seuls retrouvaient les mots de papa et de maman.

— Ce n’est pas tout, dit Pauline, il a promis d’aller embrasser grand-père… Hein ? cette fois, en voilà un voyage !

Huit pas au moins séparaient la chaise de Lazare du fauteuil de Chanteau. Jamais Paul ne s’était risqué si loin dans le monde. Aussi fut-ce une affaire considérable. Pauline s’était mise sur la route pour veiller aux catastrophes, et il fallut deux grandes minutes pour exciter l’enfant. Enfin, il partit, éperdu, les membres battant l’air. Elle crut bien, un moment, qu’elle le recevrait dans les bras. Mais il s’élança en homme de courage, ce fut sur les genoux