Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
LES ROUGON-MACQUART.

de rentrer ainsi dans l’enseignement. En pension, les petites filles entendent de vilaines choses, elle voulait pouvoir répondre de la parfaite innocence de son élève. On repêcha, au fond de la bibliothèque de Lazare, une Grammaire, une Arithmétique, un Traité d’Histoire, même un Résumé de la Mythologie ; et madame Chanteau reprit la férule, une seule leçon par jour, des dictées, des problèmes, des récitations. La grande chambre du cousin était transformée en salle d’étude, Pauline dut se remettre au piano, sans compter le maintien, dont sa tante lui démontra sévèrement les principes, pour corriger ses allures garçonnières ; du reste, elle était docile et intelligente, elle apprenait volontiers, même quand les matières la rebutaient. Un seul livre l’ennuyait, le catéchisme. Elle n’avait pas encore compris que sa tante se dérangeât le dimanche et la conduisît à la messe. Pour quoi faire ? à Paris, on ne la menait jamais à Saint-Eustache, qui pourtant se trouvait près de leur maison. Les idées abstraites n’entraient que très difficilement dans son cerveau, sa tante dut lui expliquer qu’une demoiselle bien élevée ne pouvait, à la campagne, se dispenser de donner le bon exemple, en se montrant polie avec le curé. Elle-même n’avait jamais eu qu’une religion de convenance, qui faisait partie d’une bonne éducation, au même titre que le maintien.

La mer, cependant, battait deux fois par jour Bonneville de l’éternel balancement de sa houle, et Pauline grandissait dans le spectacle de l’immense horizon. Elle ne jouait plus, n’ayant point de camarade. Quand elle avait galopé autour de la terrasse avec Mathieu, ou promené au fond du potager la Minouche sur son épaule, son unique récréation