Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
LA JOIE DE VIVRE.

femme, cet éveil de l’inconnu, qui troublaient et irritaient Pauline. Le jeune homme, cependant, traitait celle-ci en préférée ; il plaisantait l’autre, disant qu’elle l’ennuyait avec ses grands airs, parlait de la laisser toute seule faire la dame, pour aller jouer plus loin à leur aise. Les jeux violents étaient abandonnés, on regardait des images dans la chambre, on se promenait sur la plage, d’un pas convenable. Ce furent deux semaines absolument gâtées.

Un matin, Lazare déclara qu’il avançait son départ de cinq jours. Il voulait s’installer à Paris, il devait y retrouver un de ses anciens camarades de Caen. Et Pauline, que la pensée de ce départ désespérait depuis un mois, appuya vivement la nouvelle décision de son cousin, aida sa tante à faire la malle, avec une activité joyeuse. Puis, quand le père Malivoire eut emmené Lazare dans sa vieille berline, elle courut s’enfermer au fond de sa chambre, où elle pleura longtemps. Le soir, elle se montra très gentille pour Louise ; et les huit jours que celle-ci passa encore à Bonneville, furent charmants. Lorsque le domestique de son père revint la chercher, en expliquant que monsieur n’avait pu quitter sa banque, les deux petites amies se jetèrent dans les bras l’une de l’autre et jurèrent de s’aimer toujours.

Alors, lentement, une année s’écoula. Madame Chanteau avait changé d’avis : au lieu d’envoyer Pauline en pension, elle la gardait près d’elle, déterminée surtout par les plaintes de Chanteau, qui ne pouvait plus se passer de l’enfant ; mais elle ne s’avouait pas cette raison intéressée, elle parlait de se charger de son instruction, toute rajeunie à l’idée