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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/6

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LES ROUGON-MACQUART.

— Je crois qu’ils n’ont pas tort de retirer les barques, continua le curé à plein gosier. Vers dix heures, ils danseront.

Et, comme décidément une rafale le coiffait de sa soutane, il disparut derrière l’église.

Chanteau s’était retourné, gonflant les épaules, tenant le coup. Les yeux pleins d’eau, il jetait un regard sur son jardin brûlé par la mer, et sur la maison de briques, aux deux étages de cinq fenêtres, dont les persiennes, malgré les clavettes d’arrêt, menaçaient d’être arrachées. Lorsque la rafale eut passé, il se pencha de nouveau sur la route ; mais Véronique revenait, en agitant les bras.

— Comment ! vous êtes sorti ?… Voulez-vous bien vite rentrer, monsieur !

Elle le rattrapa dans le corridor, le gourmanda ainsi qu’un enfant pris en faute. N’est-ce pas ? quand il souffrirait le lendemain, ce serait encore elle qui serait obligée de le soigner !

— Tu n’as rien vu ? demanda-t-il d’un ton soumis.

— Bien sûr, non, que je n’ai rien vu… Madame est certainement à l’abri quelque part.

Il n’osait lui dire qu’elle aurait dû pousser plus loin. Maintenant, c’était l’absence de son fils qui le tourmentait surtout.

— J’ai vu, reprit la bonne, que tout le pays est en l’air. Ils ont peur d’y rester, cette fois… Déjà, en septembre, la maison des Cuche a été fendue du haut en bas, et Prouane, qui montait sonner l’angélus, vient de me jurer qu’elle serait par terre demain.

Mais, à ce moment, un grand garçon de dix-neuf ans franchit d’une enjambée les trois marches du perron. Il avait un front large, des yeux très clairs,