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LA JOIE DE VIVRE.

avec un fin duvet de barbe châtaine, qui encadrait sa face longue.

— Ah ! tant mieux ! voici Lazare ! dit Chanteau soulagé. Comme tu es mouillé, mon pauvre enfant !

Le jeune homme accrochait, dans le vestibule, un caban trempé par les ondées.

— Eh bien ? demanda de nouveau le père.

— Eh bien ! personne ! répondit Lazare. Je suis allé jusqu’à Verchemont, et là j’ai attendu sous le hangar de l’auberge, les yeux sur la route, qui est un vrai fleuve de boue. Personne !… Alors, j’ai craint de t’inquiéter, je suis revenu.

Il avait quitté le lycée de Caen au mois d’août, après avoir passé son baccalauréat, et depuis huit mois il battait les falaises, ne se décidant point à choisir une occupation, passionné seulement de musique, ce qui désespérait sa mère. Elle était partie fâchée, car il avait refusé de l’accompagner à Paris, où elle rêvait de lui trouver une position. Toute la maison s’en allait à la débandade, dans une aigreur involontaire que la vie commune du foyer aggravait encore.

— Maintenant que te voilà prévenu, reprit le jeune homme, j’ai envie de pousser jusqu’à Arromanches.

— Non, non, la nuit tombe, s’écria Chanteau. Il est impossible que ta mère nous laisse sans nouvelle. J’attends une dépêche… Tiens ! on dirait une voiture.

Véronique avait rouvert la porte.

— C’est le cabriolet du docteur Cazenove, annonça-t-elle. Est-ce qu’il devait venir, monsieur ?… Ah ! mon Dieu ! mais c’est madame !

Tous descendirent vivement le perron. Un gros