Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
LA JOIE DE VIVRE.

démangeaisons terribles qui lui dévoraient les pieds : la peau s’écaillait, l’œdème avait presque disparu. Comme Véronique faisait rôtir des pigeons, il levait le nez chaque fois que s’ouvrait la porte de la cuisine, repris de sa gourmandise incorrigible ; ce qui lui attirait les sages remontrances du curé.

— Vous n’êtes pas à votre jeu, monsieur Chanteau… Croyez-moi, vous devriez vous modérer, ce soir, à table. La succulence ne vaut rien, dans votre état.

Louise était arrivée la veille. Lorsque Pauline entendit le cabriolet du docteur, toutes deux se précipitèrent dans la cour. Mais Lazare ne parut voir que sa cousine, stupéfait.

— Comment, c’est Pauline ?

— Mais oui, c’est moi.

— Ah ! mon Dieu ! qu’as-tu donc mangé pour grandir comme ça ?… Te voilà bonne à marier maintenant.

Elle rougissait, riant d’aise, les yeux brûlant de plaisir, à le voir l’examiner ainsi. Il avait laissé une galopine, une écolière en sarrau de toile, et il était en face d’une grande jeune fille, à la poitrine et aux hanches coquettement serrées dans une robe printanière, blanche à fleurs roses. Pourtant, elle redevenait grave, elle le regardait à son tour et le trouvait vieilli : il semblait s’être courbé, son rire n’était plus jeune, un léger frisson nerveux courait sur sa face.

— Allons, continua-t-il, il va falloir te prendre au sérieux… Bonjour, mon associée.

Pauline rougit plus fort, ce mot la comblait de bonheur. Son cousin, après l’avoir embrassée, pouvait embrasser Louise : elle n’était pas jalouse.