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LA JOIE DE VIVRE.

son maître Herbelin : la mer est un vaste réservoir de composés chimiques, les algues travaillaient pour l’industrie, en condensant, dans leurs tissus, les sels que les eaux où elles vivent contiennent en faible proportion. Aussi le problème consistait-il à extraire économiquement de ces algues tous les composés utiles. Il parlait d’en prendre les cendres, la soude impure du commerce, puis de séparer et de livrer, à l’état de pureté parfaite, les bromures, les iodures de sodium et de potassium, le sulfate de soude, d’autres sels de fer et de manganèse, de façon à ne laisser aucun déchet de la matière première. Ce qui l’enthousiasmait, c’était cet espoir de ne pas perdre un seul corps utile, grâce à la méthode du froid, trouvée par l’illustre Herbelin. Il y avait là une grosse fortune.

— Bon Dieu ! comme vous voilà faits ! cria madame Chanteau, lorsqu’ils rentrèrent.

— Ne te fâche pas, répondit gaiement Lazare, en jetant son paquet d’algues au milieu de la terrasse. Tiens ! nous te rapportons des pièces de cent sous.

Le lendemain, la charrette d’un paysan de Verchemont alla prendre toute une charge d’herbes marines, et les études commencèrent dans la grande chambre du second étage. Pauline obtint le grade de préparateur. Ce fut une rage pendant un mois, la chambre s’emplit rapidement de plantes sèches, de bocaux où nageaient des arborescences, d’instruments aux profils bizarres ; un microscope occupait un coin de la table, le piano disparaissait sous des chaudières et des cornues, l’armoire elle-même craquait d’ouvrages spéciaux, de collections sans cesse consultées. Du reste, les expériences tentées de la sorte en petit, avec des soins minutieux,