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LES ROUGON-MACQUART.

grand nombre, que leur végétation couvrait les roches ainsi qu’une mousse haute ; et, à mesure qu’ils descendaient en suivant le flot, ils rencontraient des espèces de taille plus grande et d’aspect plus étrange, les laminaires, surtout le Baudrier de Neptune, cette ceinture de cuir verdâtre, aux bords frisés, qui semble taillée pour la poitrine d’un géant.

— Hein ? quelle richesse perdue ! reprenait-il. Est-on bête !… En Écosse, ils sont au moins assez intelligents pour manger les ulves. Nous autres, nous faisons du crin végétal avec les zostères, et nous emballons le poisson avec les fucus. Le reste est du fumier, de qualité discutable, qu’on abandonne aux paysans des côtes… Dire que la science en est encore à la méthode barbare d’en brûler quelques charretées, afin d’en tirer de la soude !

Pauline, dans l’eau jusqu’aux genoux, était heureuse de cette fraîcheur salée. Du reste, les explications de son cousin l’intéressaient profondément.

— Alors, demanda-t-elle, tu vas distiller tout ça ?

Le mot « distiller » égaya beaucoup Lazare.

— Oui, distiller, si tu veux. Mais c’est joliment compliqué, tu verras, ma chère… N’importe, retiens bien mes paroles : on a conquis la végétation terrestre, n’est-ce pas ? les plantes, les arbres, ce dont nous nous servons, ce que nous mangeons ; eh bien ! peut-être la conquête de la végétation marine nous enrichira-t-elle davantage encore, le jour où l’on se décidera à la tenter.

Tous deux, cependant, enflammés de zèle, ramassaient des échantillons. Ils s’en chargèrent les bras, ils s’oublièrent si loin, qu’ils durent, pour revenir, se mouiller jusqu’aux épaules. Et les explications continuaient, le jeune homme répétait des phrases de