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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/8

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LES ROUGON-MACQUART.

chien de montagne croisé de terre-neuve, qui dormait dans un coin du vestibule, s’élança avec des abois furieux. À ce vacarme, une petite chatte blanche, l’air délicat, parut aussi sur le seuil ; mais, devant la cour boueuse, sa queue eut un léger tremblement de dégoût, et elle s’assit proprement, en haut des marches, pour voir.

Cependant, une dame de cinquante ans environ avait sauté du cabriolet avec une souplesse de jeune fille. Elle était petite et maigre, les cheveux encore très noirs, le visage agréable, gâté par un grand nez d’ambitieuse. D’un bond, le chien lui avait posé les pattes sur les épaules, pour l’embrasser ; et elle se fâchait.

— Voyons, Mathieu, veux-tu me lâcher ?… Grosse bête ! as-tu fini ?

Lazare, derrière le chien, traversait la cour. Il cria, pour demander :

— Pas de malheur, maman ?

— Non, non, répondit madame Chanteau.

— Mon Dieu ! nous étions d’une inquiétude ! dit le père qui avait suivi son fils, malgré le vent. Qu’est-il donc arrivé ?

— Oh ! des ennuis tout le temps, expliqua-t-elle. D’abord, les chemins sont si mauvais, qu’il a fallu près de deux heures pour venir de Bayeux. Puis, à Arromanches, voilà qu’un cheval de Malivoire se casse une patte ; et il n’a pu nous en donner un autre, j’ai vu le moment qu’il nous faudrait coucher chez lui… Enfin, le docteur a eu l’obligeance de nous prêter son cabriolet. Ce brave Martin nous a conduites…

Le cocher, un vieil homme à jambe de bois, un ancien matelot opéré autrefois par le chirurgien de