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LA JOIE DE VIVRE.

liarder, puisqu’on tenait la fortune ? Et le retour était fort gai, on se souvenait de Mathieu qui s’attardait sans cesse. Pauline se cachait brusquement avec Lazare derrière un mur, tous les deux amusés comme des enfants, quand le chien, saisi de se voir seul, se croyant perdu, vagabondait dans un effarement comique.

Chaque soir, à la maison, la même question les accueillait.

— Eh bien, ça marche-t-il, êtes-vous contents ?

Et la réponse était toujours la même.

— Oui, oui… Mais ils n’en finissent pas.

Ce furent des mois d’une intimité complète. Lazare témoignait à Pauline une affection vive, où il entrait de la reconnaissance, pour l’argent qu’elle avait mis dans son entreprise. Peu à peu, de nouveau, la femme disparaissait, il vivait près d’elle comme en compagnie d’un garçon, d’un frère cadet, dont les qualités le touchaient chaque jour davantage. Elle était si raisonnable, d’un si beau courage, d’une bonté si riante, qu’elle finissait par lui inspirer une estime inavouée, un sourd respect, contre lequel il se défendait encore en la plaisantant. Tranquillement, elle lui avait conté ses lectures, l’effroi de sa tante à la vue des planches anatomiques ; et, un instant, il était resté surpris et plein de gêne, devant cette fille déjà savante, avec ses grands yeux candides. Ensuite, leurs rapports s’en trouvèrent resserrés, il prit l’habitude de parler de tout librement, dans leurs études communes, lorsqu’elle l’aidait : cela en parfaite simplicité scientifique, usant du mot propre, comme s’il n’y en avait pas eu d’autre. Elle-même, sans paraître y mettre autre chose que le plaisir d’apprendre et