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LES ROUGON-MACQUART.

— Rien, il ne m’en a seulement point ouvert la bouche… Et il n’y a rien à en dire, ma foi ! Le curé m’assomme pour que j’arrange ça, comme si c’était arrangeable, tant que le garçon refusera sa part !

Lise, pleine d’incertitude, réfléchissait.

— Vous croyez qu’il l’acceptera un jour ?

— Ça se peut encore.

— Et vous pensez qu’il m’épouserait ?

— Il y a des chances.

— Vous me conseillez donc d’attendre ?

— Dame ! c’est selon tes forces, chacun fait comme il sent.

Elle se tut, ne voulant pas parler de la proposition de Jean, ne sachant de quelle façon obtenir une réponse définitive. Puis, elle tenta un dernier effort.

— Vous comprenez, j’en suis malade, à la fin, de ne pas savoir à quoi m’en tenir. Il me faut un oui ou un non… Vous, mon oncle, si vous alliez demander à Buteau, je vous en prie !

Fouan haussa les épaules.

— D’abord, jamais je ne reparlerai à ce jean-foutre… Et puis, ma fille, que t’es serine ! pourquoi lui faire dire non, à ce têtu, qui dira toujours non ensuite ? Laisse-lui donc la liberté de dire oui, un jour, si c’est son intérêt !

— Bien sûr ! conclut simplement Rose, redevenue l’écho de son homme.

Et Lise ne put tirer d’eux rien de plus net. Elle les laissa, elle referma la porte sur la salle, retombée à son engourdissement ; et la maison, de nouveau, parut vide.

Dans les prés, au bord de l’Aigre, Jean et ses deux faneuses avaient commencé la première meule. C’était Françoise qui la montait. Au centre, posée sur un mulon, elle disposait et rangeait en cercle les fourchées de foin que lui apportaient le jeune homme et Palmyre. Et, peu à peu, cela grandissait, se haussait, elle toujours au milieu, se remettant des bottes sous les pieds, dans le creux où elle se trouvait, à mesure que le mur, autour d’elle, lui gagnait les genoux. La meule prenait tournure. Déjà, elle était à