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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/100

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dans notre tendresse. Jusqu’ici, elle a été vide et inutile, et j’ai l’irrésistible besoin de l’emplir, oh ! de tout ce qu’il y a de divin et d’éternel… Que peut-il nous manquer, si ce n’est Dieu ? Agenouille-toi, prie avec moi !

Il se dégagea, irrité à son tour.

— Tais-toi, tu déraisonnes. Je t’ai laissée libre, laisse-moi libre.

— Maître, maître ! c’est notre bonheur que je veux !… Je t’emporterai loin, très loin. Nous irons dans une solitude vivre en Dieu !

— Tais-toi !… Non, jamais !

Alors, ils restèrent un instant face à face, muets et menaçants. La Souleiade, autour d’eux, élargissait son silence nocturne, les ombres légères de ses oliviers, les ténèbres de ses pins et de ses platanes, où chantait la voix attristée de la source ; et, sur leur tête, il semblait que le vaste ciel criblé d’étoiles eût pâli d’un frisson, malgré l’aube encore lointaine.

Clotilde leva le bras, comme pour montrer l’infini de ce ciel frissonnant. Mais, d’un geste prompt, Pascal lui avait repris la main, la maintenait dans la sienne, vers la terre. Et il n’y eut d’ailleurs plus un mot prononcé, ils étaient hors d’eux, violents et ennemis. C’était la brouille farouche.

Brusquement, elle retira sa main, elle sauta de côté, comme un animal indomptable et fier qui se cabre ; puis, elle galopa, au travers de la nuit, vers la maison. On entendit, sur les cailloux de l’aire, le claquement de ses petites bottines, qui s’assourdit ensuite dans le sable d’une allée. Lui, déjà désolé, la rappela d’une voix pressante. Mais elle n’écoutait pas, ne répondait pas, courait toujours. Saisi de crainte, le cœur serré, il s’élança derrière elle, tourna le coin du bouquet des platanes, juste assez tôt pour la voir rentrer en tempête dans