Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/99

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— Alors, n’est-ce pas ? cria-t-elle, la justice qui écrase l’individu pour le bonheur de la race, qui détruit l’espèce affaiblie pour l’engraissement de l’espèce triomphante… Non, non ! c’est le crime ! Il n’y a qu’ordure et que meurtre. Ce soir, à l’église, il avait raison : la terre est gâtée, la science n’en étale que la pourriture, c’est en haut qu’il faut nous réfugier tous… Oh ! maître, je t’en supplie, laisse-moi me sauver, laisse-moi te sauver toi-même !

Elle venait d’éclater en larmes, et le bruit de ses sanglots montait éperdu, dans la pureté de la nuit. Vainement, il essaya de l’apaiser, elle dominait sa voix.

— Écoute, maître, tu sais si je t’aime, car tu es tout pour moi… Et c’est de toi que vient mon tourment, j’ai de la peine à en étouffer, lorsque je songe que nous ne sommes pas d’accord, que nous serions séparés à jamais, si nous mourions tous les deux demain… Pourquoi ne veux-tu pas croire ?

Il tâcha encore de la raisonner.

— Voyons, tu es folle, ma chérie…

Mais elle s’était mise à genoux, elle lui avait saisi les mains, elle s’attachait à lui, d’une étreinte enfiévrée. Et elle le suppliait plus haut, dans une clameur de désespoir telle, que la campagne noire, au loin, en sanglotait.

— Écoute, il l’a dit à l’église… Il faut changer sa vie et faire pénitence, il faut tout brûler de ses erreurs passées, oui ! tes livres, tes dossiers, tes manuscrits… Fais ce sacrifice, maître, je t’en conjure à genoux. Et tu verras la délicieuse existence que nous mènerons ensemble.

À la fin, il se révoltait.

— Non ! c’est trop, tais-toi !

— Si, tu m’entendras, maître, tu feras ce que je veux… Je t’assure que je suis horriblement malheureuse, même en t’aimant comme je t’aime. Il manque quelque chose,