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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/103

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m’aimes, et c’est abominable, et il vaudrait mieux en finir tout de suite, en nous jetant à l’eau avec une pierre au cou !

Elle ne répondait pas, ses yeux braves disaient seuls, ardemment, qu’elle voulait bien mourir sur l’heure, si c’était avec lui.

— Alors, je mourrais cette nuit, subitement, que se passerait-il donc demain ?… Tu viderais l’armoire, tu viderais les tiroirs, tu ferais un gros tas de toutes mes œuvres, et tu les brûlerais ? Oui, n’est-ce pas ?… Sais-tu que ce serait un véritable meurtre, comme si tu assassinais quelqu’un ? Et quelle lâcheté abominable, tuer la pensée !

— Non ! dit-elle d’une voix sourde, tuer le mal, l’empêcher de se répandre et de renaître !

Toutes leurs explications les rejetaient à la colère. Il y en eut de terribles. Et, un soir que la vieille madame Rougon était tombée dans une de ces querelles, elle resta seule avec Pascal, après que Clotilde se fut enfuie au fond de sa chambre. Un silence régna. Malgré l’air de navrement qu’elle avait pris, une joie luisait au fond de ses yeux étincelants.

— Mais votre pauvre maison est un enfer ! cria-t-elle enfin.

Le docteur, d’un geste, évita de répondre. Toujours, il avait senti sa mère derrière la jeune fille, exaspérant en elle les croyances religieuses, utilisant ce ferment de révolte pour jeter le trouble chez lui. Il était sans illusion, il savait parfaitement que, dans la journée, les deux femmes s’étaient vues, et qu’il devait à cette rencontre, à tout un empoisonnement savant, l’affreuse scène dont il tremblait encore. Sans doute sa mère était venue constater les dégâts et voir si l’on ne touchait pas bientôt au dénouement.