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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/106

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— Alors, va jusqu’au bout, dis-moi ce que tu nous reproches… Oui, à moi par exemple, que me reproches-tu ? Ce n’est pas de vous avoir élevés avec tant de peine. Ah ! la fortune a été longue à conquérir ! Si nous jouissons d’un peu de bonheur aujourd’hui, nous l’avons rudement gagné. Puisque tu as tout vu et que tu mets tout dans tes paperasses, tu pourras témoigner que la famille a rendu aux autres plus de services qu’elle n’en a reçu. À deux reprises, sans nous, Plassans était dans de beaux draps. Et c’est bien naturel, si nous n’avons récolté que des ingrats et des envieux, à ce point qu’aujourd’hui encore la ville entière serait ravie d’un scandale qui nous éclabousserait… Tu ne peux pas vouloir cela, et je suis sûre que tu rends justice à la dignité de mon attitude, depuis la chute de l’Empire et les malheurs dont la France ne se relèvera sans doute jamais.

— Laissez-donc la France tranquille, ma mère ! dit-il de nouveau, tellement elle le touchait aux endroits qu’elle savait sensibles. La France a la vie dure, et je trouve qu’elle est en train d’étonner le monde par la rapidité de sa convalescence… Certes, il y a bien des éléments pourris. Je ne les ai pas cachés, je les ai trop étalés peut-être. Mais vous ne m’entendez guère, si vous vous imaginez que je crois à l’effondrement final, parce que je montre les plaies et les lézardes. Je crois à la vie qui élimine sans cesse les corps nuisibles, qui refait de la chair pour boucher les blessures, qui marche quand même à la santé, au renouvellement continu, parmi les impuretés et la mort.

Il s’exaltait, il en eut conscience, fit un geste de colère, et ne parla plus. Sa mère avait pris le parti de pleurer, des petites larmes courtes, difficiles, qui séchaient tout de suite. Et elle revenait sur les craintes dont s’attristait sa vieillesse, elle le suppliait, elle aussi, de faire sa paix avec Dieu, au moins par égard pour la famille. Ne donnait--