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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/107

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elle pas l’exemple du courage ? Plassans entier, le quartier Saint-Marc, le vieux quartier et la ville neuve ne rendaient-ils pas hommage à sa fière résignation ? Elle réclamait seulement d’être aidée, elle exigeait de tous ses enfants un effort pareil au sien. Ainsi, elle citait l’exemple d’Eugène, le grand homme, tombé de si haut, et qui voulait bien n’être plus qu’un simple député, défendant, jusqu’à son dernier souffle, le régime disparu, dont il avait tenu sa gloire. Elle était également pleine d’éloges pour Aristide, qui ne désespérait jamais, qui reconquérait, sous le régime nouveau, toute une belle position, malgré l’injuste catastrophe qui l’avait un moment enseveli, parmi les décombres de l’Union universelle. Et lui, Pascal, resterait seul à l’écart, ne ferait rien pour qu’elle mourût en paix, dans la joie du triomphe final des Rougon ? lui qui était si intelligent, si tendre, si bon ! Voyons, c’était impossible ! il irait à la messe le prochain dimanche et il brûlerait ces vilains papiers, dont la seule pensée la rendait malade. Elle suppliait, commandait, menaçait. Mais lui ne répondait plus, calmé, invincible dans son attitude de grande déférence. Il ne voulait pas de discussion, il la connaissait trop pour espérer la convaincre et pour oser discuter le passé avec elle.

— Tiens ! cria-t-elle, quand elle le sentit inébranlable, tu n’es pas à nous, je l’ai toujours dit. Tu nous déshonores.

Il s’inclina.

— Ma mère, vous réfléchirez, vous me pardonnerez.

Ce jour-là, Félicité s’en alla hors d’elle ; et, comme elle rencontra Martine à la porte de la maison, devant les platanes, elle se soulagea, sans savoir que Pascal, qui venait de passer dans sa chambre, dont les fenêtres étaient ouvertes, entendait tout. Elle exhalait son ressentiment, jurait d’arriver quand même à s’emparer des papiers et