Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/110

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ciel était noir, quelque orage devait passer au loin, car l’on entendait un continuel roulement de foudre. Il distinguait mal la sombre masse des platanes, que des reflets d’éclair, par moments, détachaient, d’un vert morne, dans les ténèbres. Et il avait l’âme pleine d’une détresse affreuse, il revivait les dernières mauvaises journées, des querelles encore, des tortures de trahisons et de soupçons qui allaient grandissantes, lorsque, tout d’un coup, un ressouvenir aigu le fit tressaillir. Dans sa peur d’être pillé, il avait fini par porter toujours sur lui la clef de la grande armoire. Mais, cette après-midi-là, souffrant de la chaleur, il s’était débarrassé de son veston, et il se rappelait avoir vu Clotilde le pendre à un clou de la salle. Ce fut une brusque terreur qui le traversa : si elle avait senti la clef au fond de la poche, elle l’avait volée. Il se précipita, fouilla le veston qu’il venait de jeter sur une chaise. La clef n’y était plus. En ce moment même, on le dévalisait, il en eut la nette sensation. Deux heures du matin sonnèrent ; et il ne se rhabilla pas, resta en simple pantalon, les pieds nus dans des pantoufles, la poitrine nue sous sa chemise de nuit défaite ; et, violemment, il poussa la porte, sauta dans la salle, son bougeoir à la main.

— Ah ! je le savais, cria-t-il. Voleuse ! assassine !

Et c’était vrai, Clotilde était là, dévêtue comme lui, les pieds nus dans ses mules de toile, les jambes nues, les bras nus, les épaules nues, à peine couverte d’un court jupon et de sa chemise. Par prudence, elle n’avait pas apporté de bougie, elle s’était contentée de rabattre les volets d’une fenêtre ; et l’orage qui passait en face, au midi, dans le ciel ténébreux, les continuels éclairs lui suffisaient, baignant les objets d’une phosphorescence livide. La vieille armoire, aux larges flancs, était grande ouverte. Déjà, elle en avait vidé la planche du haut, des-