devinait de l’autre côté du mur ; et elles le hantaient, lui donnaient la continuelle crainte d’être volé de sa pensée, s’il la laissait voir au fond de son crâne, avant même qu’il la formulât.
Ce fut certainement l’époque de sa vie où Pascal se trouva le plus malheureux. Le perpétuel état de défense où il devait vivre, le brisait ; et lui semblait, parfois, que le sol de sa maison se dérobait sous ses pieds. Il eut alors, très net, le regret de ne s’être pas marié et de n’avoir pas d’enfant. Est-ce que lui-même avait eu peur de la vie ? Est-ce qu’il n’était point puni de son égoïsme ? Ce regret de l’enfant l’angoissait parfois, il avait maintenant les yeux mouillés de larmes, quand il rencontrait sur les routes des fillettes, aux regards clairs, qui lui souriaient. Sans doute, Clotilde était là, mais c’était une autre tendresse, traversée à présent d’orages, et non une tendresse calme, infiniment douce, la tendresse de l’enfant, où il aurait voulu endormir son cœur endolori. Puis, ce qu’il voulait, sentant venir la fin de son être, c’était surtout la continuation, l’enfant qui l’aurait perpétué. Plus il souffrait, plus il aurait trouvé une consolation à léguer cette souffrance, dans sa foi en la vie. Il se croyait indemne des tares physiologiques de la famille ; mais la pensée même que l’hérédité sautait parfois une génération, et que, chez un fils né de lui, les désordres des aïeux pouvaient reparaître, ne l’arrêtait pas ; et ce fils inconnu, malgré l’antique souche pourrie, malgré la longue suite de parents exécrables, il le souhaitait encore, certains jours, comme on souhaite le gain inespéré, le bonheur rare, le coup de fortune qui console et enrichit à jamais. Dans l’ébranlement de ses autres affections, son cœur saignait, parce qu’il était trop tard.
Par une nuit lourde de la fin de septembre, Pascal ne put dormir. Il ouvrit l’une des fenêtres de sa chambre, le