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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/125

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qu’Étienne, le chef battu de la bande, hanté des revendications futures, s’en allait par un tiède matin d’avril, en écoutant la sourde poussée du monde nouveau, dont la germination allait bientôt faire éclater la terre. Nana, dès lors, devenait la revanche, la fille poussée sur l’ordure sociale des faubourgs, la mouche d’or envolée des pourritures d’en bas, qu’on tolère et qu’on cache, emportant dans la vibration de ses ailes le ferment de destruction, remontant et pourrissant l’aristocratie, empoisonnant les hommes rien qu’à se poser sur eux, au fond des palais où elle entrait par les fenêtres, toute une œuvre inconsciente de ruine et de mort, la flambée stoïque de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont courant les mers de la Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en honnête homme, l’imbécillité satisfaite de La Faloise, et le tragique effondrement des Muffat, et le blanc cadavre de Georges, veillé par Philippe, sorti la veille de prison, une telle contagion dans l’air empesté de l’époque, qu’elle-même se décomposait et crevait de la petite vérole noire, prise au lit de mort de son fils Louiset, tandis que, sous ses fenêtres, Paris passait, ivre, frappé de la folie de la guerre, se ruant à l’écroulement de tout. Enfin, c’était Jean Macquart, l’ouvrier et le soldat redevenu paysan, aux prises avec la terre dure qui fait payer chaque grain de blé d’une goutte de sueur, en lutte surtout avec le peuple des campagnes, que l’âpre désir, la longue et rude conquête du sol brûle du besoin sans cesse irrité de la possession, les Fouan vieillis cédant leurs champs comme ils céderaient de leur chair, les Buteau exaspérés, allant jusqu’au parricide pour hâter l’héritage d’une pièce de luzerne, la Françoise têtue mourant d’un coup de faux, sans parler, sans vouloir qu’une motte sorte de la famille, tout ce drame des simples et des instinctifs à peine dégagés de la sauvagerie ancienne,