donc !… Je te répète que tous les cas héréditaires s’y rencontrent. Je n’ai eu, pour fixer ma théorie, qu’à la baser sur l’ensemble de ces faits… Enfin, ce qui est merveilleux, c’est qu’on touche là du doigt comment des créatures, nées de la même souche, peuvent paraître radicalement différentes, tout en n’étant que les modifications logiques des ancêtres communs. Le tronc explique les branches qui expliquent les feuilles. Chez ton père, Saccard, comme chez ton oncle, Eugène Rougon, si opposés de tempérament et de vie, c’est la même poussée qui a fait les appétits désordonnés de l’un, l’ambition souveraine de l’autre. Angélique, ce lis pur, naît de la louche Sidonie, dans l’envolée qui fait les mystiques ou les amoureuses, selon le milieu. Les trois enfants des Mouret sont emportés par un souffle identique, qui fait d’Octave intelligent un vendeur de chiffons millionnaire, de Serge croyant un pauvre curé de campagne, de Désirée imbécile une belle fille heureuse. Mais l’exemple est plus frappant encore avec les enfants de Gervaise : la névrose passe, et Nana se vend, Étienne se révolte, Jacques tue, Claude a du génie ; tandis que Pauline, leur cousine germaine, à côté, est l’honnêteté victorieuse, celle qui lutte et qui s’immole… C’est l’hérédité, la vie même qui pond des imbéciles, des fous, des criminels et des grands hommes. Des cellules avortent, d’autres prennent leur place, et l’on a un coquin ou un fou furieux, à la place d’un homme de génie ou d’un simple honnête homme. Et l’humanité roule, charriant tout !
Puis, dans un nouveau branle de sa pensée :
— Et l’animalité, la bête qui souffre et qui aime, qui est comme l’ébauche de l’homme, toute cette animalité fraternelle qui vit de notre vie !… Oui, j’aurais voulu la mettre dans l’arche, lui faire sa place parmi notre famille, la montrer sans cesse confondue avec nous, complétant