Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le corps. C’est bien mon opinion aussi ; seulement, ce diable-là s’appelle l’orgueil. Il croit qu’il sait tout, il est à la fois le pape et l’empereur, et naturellement, lorsqu’on ne dit pas comme lui, ça l’exaspère.

Elle haussait les épaules, elle était pleine d’un infini dédain.

— Moi, ça me ferait rire, si ce n’était si triste… Un garçon qui ne sait justement rien de rien, qui n’a pas vécu, qui est resté sottement enfermé au fond de ses livres. Mettez-le dans un salon, il est innocent comme l’enfant qui vient de naître. Et les femmes, il ne les connaît seulement pas…

Oubliant devant qui elle parlait, cette jeune fille et cette servante, elle baissait la voix, d’un air de confidence.

— Dame ! ça se paye aussi, d’être trop sage. Ni femme, ni maîtresse, ni rien. C’est ça qui a fini par lui tourner sur le cerveau.

Clotilde ne bougea pas. Seules, ses paupières s’abaissèrent lentement sur ses grands yeux réfléchis ; puis, elle les releva, elle garda son attitude de créature murée, ne pouvant rien dire de ce qui se passait en elle.

— Il est en haut, n’est-ce pas ? reprit Félicité. Je suis venue pour le voir, car il faut que ça finisse, c’est trop bête !

Et elle monta, pendant que Martine se remettait à ses casseroles et que Clotilde errait de nouveau par la maison vide.

En haut, dans la salle, Pascal s’était comme stupéfié, la face sur un livre grand ouvert. Il ne pouvait plus lire, les mots fuyaient, s’effaçaient, n’avaient aucun sens. Mais il s’obstinait, il agonisait de perdre jusqu’à sa faculté de travail, si puissante jusque-là. Et sa mère, tout de suite, le gourmanda, lui arracha le livre, qu’elle jeta au loin, sur une table, en criant que, lorsqu’on était malade, on