quinzaine d’années, de tête faible, vivait à Plassans, passant de l’un chez l’autre, à la charge de tous.
Un instant encore, elle attendit, espérant une réflexion de Clotilde, une transition qui lui permettrait d’arriver où elle voulait en venir. Lorsqu’elle vit que la jeune fille se désintéressait, occupée à ranger des papiers sur son pupitre, elle se décida, après avoir jeté un coup d’œil sur Martine, qui continuait à raccommoder le fauteuil, comme muette et sourde.
— Alors, ton oncle a découpé l’article du Temps ?
Très calme, Clotilde souriait.
— Oui, maître l’a mis dans les dossiers. Ah ! ce qu’il enterre de notes, là dedans ! Les naissances, les morts, les moindres incidents de la vie, tout y passe. Et il y a aussi l’Arbre généalogique, tu sais bien, notre fameux Arbre généalogique, qu’il tient au courant !
Les yeux de la vieille madame Rougon avaient flambé. Elle regardait fixement la jeune fille.
— Tu les connais, ces dossiers ?
— Oh ! non, grand’mère ! Jamais maître ne m’en parle, et il me défend de les toucher.
Mais elle ne la croyait pas.
— Voyons ! tu les as sous la main, tu as dû les lire.
Très simple, avec sa tranquille droiture, Clotilde répondit, en souriant de nouveau.
— Non ! quand maître me défend une chose, c’est qu’il a ses raisons, et je ne la fais pas.
— Eh bien ! mon enfant, s’écria violemment Félicité, cédant à sa passion, toi que Pascal aime bien, et qu’il écouterait peut-être, tu devrais le supplier de brûler tout ça, car, s’il venait à mourir et qu’on trouvât les affreuses choses qu’il y a là dedans, nous serions tous déshonorés !
Ah ! ces dossiers abominables, elle les voyait, la nuit, dans ses cauchemars, étaler en lettres de feu les histoires