vraies, les tares physiologiques de la famille, tout cet envers de sa gloire qu’elle aurait voulu à jamais enfouir, avec les ancêtres déjà morts ! Elle savait comment le docteur avait eu l’idée de réunir ces documents, dès le début de ses grandes études sur l’hérédité, comment il s’était trouvé conduit à prendre sa propre famille en exemple, frappé des cas typiques qu’il y constatait et qui venaient à l’appui des lois découvertes par lui. N’était-ce pas un champ tout naturel d’observation, à portée de sa main, qu’il connaissait à fond ? Et, avec une belle carrure insoucieuse de savant, il accumulait sur les siens, depuis trente années, les renseignements les plus intimes, recueillant et classant tout, dressant cet Arbre généalogique des Rougon-Macquart, dont les volumineux dossiers n’étaient que le commentaire, bourré de preuves.
— Ah ! oui, continuait la vieille madame Rougon ardemment, au feu, au feu, toutes ces paperasses qui nous saliraient !
À ce moment, comme la servante se relevait pour sortir, en voyant le tour que prenait l’entretien, elle l’arrêta d’un geste prompt.
— Non, non ! Martine, restez ! vous n’êtes pas de trop, puisque vous êtes de la famille maintenant.
Puis, d’une voix sifflante :
— Un ramas de faussetés, de commérages, tous les mensonges que nos ennemis ont lancés autrefois contre nous, enragés par notre triomphe !… Songe un peu à cela, mon enfant. Sur nous tous, sur ton père, sur ta mère, sur ton frère, sur moi, tant d’horreurs !
— Des horreurs, grand’mère, mais comment le sais-tu ?
Elle se troubla un instant.
— Oh ! je m’en doute, va !… Quelle est la famille qui n’a pas eu des malheurs, qu’on peut mal interpréter ? Ainsi, notre mère à tous, cette chère et vénérable Tante