Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/160

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de se rendre à l’église. Dans son impatience d’une certitude et du bonheur, il semblait qu’elle commençât à se contenter par cet emploi de toutes ses minutes, autour d’un être cher, qu’elle aurait voulu revoir bon et joyeux. C’était un don de sa personne, un oubli d’elle-même, un besoin de faire son bonheur du bonheur d’un autre ; et cela inconsciemment, sous la seule impulsion de son cœur de femme, au milieu de cette crise qu’elle traversait, qui la modifiait profondément, sans qu’elle en raisonnât. Elle se taisait toujours sur le désaccord qui les avait séparés, elle n’avait pas l’idée encore de se jeter à son cou, en lui criant qu’elle était à lui, qu’il pouvait revivre, puisqu’elle se donnait. Dans sa pensée, elle n’était qu’une fille tendre, le veillant, comme une autre parente l’aurait veillé. Et cela était très pur, très chaste, des soins délicats, de continuelles prévenances, un tel envahissement de sa vie, que les journées, maintenant, passaient rapides, exemptes du tourment de l’au-delà, pleines de l’unique souhait de le guérir.

Mais où elle eut à soutenir une véritable lutte, ce fut pour le décider à se piquer. Il s’emportait, niait sa découverte, se traitait d’imbécile. Et elle aussi criait. C’était elle, à présent, qui avait foi en la science, qui s’indignait de le voir douter de son génie. Longtemps, il résista ; puis, affaibli, cédant à l’empire qu’elle prenait, il voulut simplement s’éviter la tendre querelle qu’elle lui cherchait chaque matin. Dès les premières piqûres, il éprouva un grand soulagement, bien qu’il refusât d’en convenir. La tête se dégageait, les forces revenaient peu à peu. Aussi, triompha-t-elle, prise pour lui d’un élan d’orgueil, exaltant sa méthode, se révoltant de ce qu’il ne s’admirât pas lui-même, comme un exemple des miracles qu’il pouvait faire. Il souriait, il commençait à voir clair dans son cas. Ramond avait dit vrai, il ne devait y avoir eu là