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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/162

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— Ah ! la peur de la vie ! décidément, il n’y a point de lâcheté meilleure… Dire que j’ai parfois le regret de n’avoir pas ici un enfant à moi ! Est-ce qu’on a le droit de mettre au monde des misérables ? Il faut tuer l’hérédité mauvaise, tuer la vie… Le seul honnête homme, tiens ! c’est ce vieux lâche !

M. Bellombre, paisiblement, au soleil de mars, continuait à faire le tour de ses poiriers. Il ne risquait pas un mouvement trop vif, il économisait sa verte vieillesse. Comme il venait de rencontrer un caillou dans l’allée, il l’écarta du bout de sa canne, puis passa sans hâte.

— Regarde-le donc !… Est-il bien conservé, est-il beau, a-t-il toutes les bénédictions du ciel dans sa personne ! Je ne connais personne de plus heureux.

Clotilde, qui se taisait, souffrait de cette ironie de Pascal, qu’elle devinait si douloureuse. Elle qui, d’habitude, défendait M. Bellombre, sentait en elle monter une protestation. Des larmes lui vinrent aux paupières, et elle répondit simplement, à voix basse :

— Oui, mais il n’est pas aimé.

Cela, du coup, fit cesser la pénible scène. Pascal, comme s’il avait reçu un choc, se retourna, la regarda. Un subit attendrissement lui mouillait aussi les yeux ; et il s’éloigna pour ne pas pleurer.

Des jours encore se passèrent, au milieu de ces alternatives de bonnes et de mauvaises heures. Les forces ne revenaient que très lentement, et ce qui le désespérait, c’était de ne pouvoir se remettre au travail, sans être pris de sueurs abondantes. S’il s’était obstiné, il se serait sûrement évanoui. Tant qu’il ne travaillerait pas, il sentait bien que la convalescence traînerait. Cependant, il s’intéressait de nouveau à ses recherches accoutumées, il relisait les dernières pages qu’il avait écrites ; et, avec ce réveil du savant en lui, reparaissaient ses inquiétudes