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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/168

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deux que les choses eussent le dénouement le plus raisonnable.

— En vérité, je crois que c’est fait, conclut-elle. Lui, ne paraît y mettre aucun obstacle, et elle, n’a l’air que de vouloir agir sans hâte, en fille qui entend s’interroger à fond, avant de s’engager pour la vie… Je vais encore lui laisser huit jours de réflexion.

Martine, assise sur ses talons, regardait la terre fixement, la face envahie d’ombre.

— Oui, oui, murmura-t-elle à voix basse, mademoiselle réfléchit beaucoup depuis quelque temps… Je la trouve dans tous les coins. On lui parle, elle ne vous répond pas. C’est comme les gens qui couvent une maladie et qui ont les yeux à l’envers… Il se passe des choses, elle n’est plus la même, plus la même…

Et elle reprit le plantoir, elle enfonça un poireau, dans son entêtement au travail ; tandis que la vieille madame Rougon, un peu tranquillisée, s’en allait, certaine du mariage, disait-elle.

Pascal, en effet, semblait accepter le mariage de Clotilde ainsi qu’une chose résolue, inévitable. Il n’en avait plus reparlé avec elle ; les rares allusions qu’ils y faisaient entre eux, dans leurs conversations de toutes les heures, les laissaient calmes ; et c’était simplement comme si les deux mois qu’ils avaient encore à vivre ensemble, devaient être sans fin, une éternité dont ils n’auraient pas vu le bout. Elle, surtout, le regardait en souriant, renvoyait à plus tard les ennuis, les partis à prendre, d’un joli geste vague, qui s’en remettait à la vie bienfaisante. Lui, guéri, retrouvant ses forces chaque jour, ne s’attristait qu’au moment de rentrer dans la solitude de sa chambre, le soir, quand elle était couchée. Il avait froid, un frisson le prenait, à songer qu’une époque allait venir où il serait toujours seul. Était-ce donc la vieillesse commençante qui