mademoiselle les aurait quittés, ce serait tout de même une personne de moins à servir. Et ses yeux luisaient inconsciemment, à l’idée de la grande solitude, de la paix heureuse où l’on vivrait, après ce départ.
Elle baissa la voix.
— Ça me fera de la peine, parce que monsieur en aura certainement beaucoup. Jamais je n’aurais cru que je souhaiterais une pareille séparation… Seulement, madame, je pense comme vous qu’il le faut, car j’ai grand peur que mademoiselle ne finisse par se gâter ici et que ce ne soit encore une âme perdue pour le bon Dieu… Ah ! c’est triste, j’en ai le cœur si gros souvent, qu’il éclate !
— Ils sont là-haut tous les deux, n’est-ce pas ? dit Félicité. Je monte les voir, et je me charge de les obliger à en finir.
Une heure plus tard, lorsqu’elle descendit, elle retrouva Martine qui se traînait encore à genoux, dans la terre molle, achevant ses plantations. En haut, dès les premiers mots, comme elle racontait qu’elle avait causé avec le docteur Ramond et qu’il se montrait impatient de connaître son sort, elle venait de voir Pascal l’approuver : il était grave, il hochait la tête, comme pour dire que cette impatience lui semblait naturelle. Clotilde elle-même, cessant de sourire, avait paru l’écouter avec déférence. Mais elle témoignait quelque surprise. Pourquoi la pressait-on ? Maître avait fixé le mariage à la seconde semaine de juin, elle avait donc deux grands mois devant elle. Très prochainement, elle en parlerait avec Ramond. C’était si sérieux, le mariage, qu’on pouvait bien la laisser réfléchir et ne s’engager qu’à la dernière minute. D’ailleurs, elle disait ces choses de son air sage, en personne résolue à prendre un parti. Et Félicité avait dû se contenter de l’évident désir où ils étaient tous les