Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/175

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lumière du jour, éclata en gros sanglots. Mon Dieu ! qu’allait-il devenir ? Une fillette que son frère lui avait confiée, qu’il avait élevée en bon père, et qui était, aujourd’hui, cette tentatrice de vingt-cinq ans, la femme dans sa toute-puissance souveraine ! Il se sentait plus désarmé, plus débile qu’un enfant.

Et, au-dessus du désir physique, il l’aimait encore d’une immense tendresse, épris de sa personne morale et intellectuelle, de sa droiture de sentiment, de son joli esprit, si brave, si net. Il n’y avait pas jusqu’à leur désaccord, cette inquiétude du mystère dont elle était tourmentée, qui n’achevât de la lui rendre précieuse, comme un être différent de lui, où il retrouvait un peu de l’infini des choses. Elle lui plaisait dans ses rébellions, quand elle lui tenait tête. Elle était la compagne et l’élève, il la voyait telle qu’il l’avait faite, avec son grand cœur, sa franchise passionnée, sa raison victorieuse. Et elle restait toujours nécessaire et présente, il ne s’imaginait pas qu’il pourrait respirer un air où elle ne serait plus, il avait le besoin de son haleine, du vol de ses jupes autour de lui, de sa pensée et de son affection dont il se sentait enveloppé, de ses regards, de son sourire, de toute sa vie quotidienne de femme qu’elle lui avait donnée, qu’elle n’aurait pas la cruauté de lui reprendre. À l’idée qu’elle allait partir, c’était, sur sa tête, comme un écroulement du ciel, la fin de tout, les ténèbres dernières. Elle seule existait au monde, elle était la seule haute et bonne, la seule intelligente et sage, la seule belle, d’une beauté de miracle. Pourquoi donc, puisqu’il l’adorait et qu’il était son maître, ne montait-il pas la reprendre dans ses bras et la baiser comme une idole ? Ils étaient bien libres tous les deux, elle n’ignorait rien, elle avait l’âge d’être femme. Ce serait le bonheur.

Pascal, qui ne pleurait plus, se leva, voulut marcher