Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/194

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chambre. La nuit tomba, ils durent s’occuper encore du dîner, qu’ils mangèrent, serrés l’un contre l’autre, dans la même assiette. Avant de se coucher, ils tentèrent un dernier effort, ils menacèrent d’enfoncer la porte, sans que leur oreille, collée contre le bois, perçût même un frisson. Et, le lendemain, au réveil, quand ils redescendirent, ils furent pris d’une sérieuse inquiétude, en constatant que rien n’avait bougé, que la porte restait hermétiquement close. Il y avait vingt-quatre heures que la servante n’avait donné signe de vie.

Puis, comme ils rentraient dans la cuisine, d’où ils s’étaient absentés un instant, Clotilde et Pascal furent stupéfaits, en apercevant Martine assise devant sa table, en train d’éplucher de l’oseille, pour le déjeuner. Elle avait repris sans bruit sa place de servante.

— Mais qu’est-ce que tu as eu ? s’écria Clotilde. Vas-tu parler, à présent ?

Elle leva sa triste face, ravagée de larmes. Un grand calme s’y était fait pourtant, et l’on n’y voyait plus que la morne vieillesse, dans sa résignation. D’un air d’infini reproche, elle regarda la jeune fille ; puis, elle baissa de nouveau la tête, sans parler.

— Est-ce donc que tu nous en veux ?

Et, devant son silence morne, Pascal intervint.

— Vous nous en voulez, ma bonne Martine ?

Alors, la vieille servante le regarda, lui, avec son adoration d’autrefois, comme si elle l’aimait assez, pour supporter tout et rester quand même. Elle parla enfin.

— Non, je n’en veux à personne… Le maître est libre. Tout va bien, s’il est content.

La vie nouvelle, dès lors, s’établit. Les vingt-cinq ans de Clotilde, restée enfantine longtemps, s’épanouissaient en une fleur d’amour, exquise et pleine. Depuis que son cœur avait battu, le garçon intelligent qu’elle était, avec